Le cobalt sert à fabriquer nos téléphones intelligents, nos ordinateurs portables et nos véhicules électriques. Plus de 70 % du cobalt produit à l’échelle mondiale provient de la République démocratique du Congo (RDC). Selon les estimations, près d’un quart du cobalt de la RDC provient de sites miniers artisanaux.

Officiellement, le cobalt n’est pas un « minerai de conflit », mais il est exposé à des risques similaires à ceux de l’or et des 3T (étain, tungstène et tantale), voire des diamants. Partout dans le monde, les médias ont souvent déploré les conditions de travail dans les mines artisanales de cobalt en RDC, ainsi que le travail des enfants ou les effets de ces exploitations minières sur l’environnement et la santé.

Avec la révolution de l’énergie verte, la demande de cobalt augmente. Elle devrait être 25 fois plus élevée au cours des 20 prochaines années – et les entreprises font tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir une chaîne d’approvisionnement responsable aux consommateurs. Des efforts sont en cours pour aider les exploitantes et exploitants de cobalt artisanal de la RDC à se tourner vers le marché international légal. Mais pour promouvoir la formalisation, nous devons investir dans des approches qui misent sur l’égalité des genres, le développement durable et la paix au sein des communautés vivant de l’exploitation artisanale du cobalt.

En 2022, IMPACT a lancé le projet Sa Sécurité afin de voir si le fait de renforcer la sécurité des femmes dans les communautés vivant de l’exploitation artisanale du cobalt et du cuivre en RDC pourrait améliorer les moyens de subsistance et mettre un frein au travail des enfants. En novembre dernier, dans le cadre de séances de discussion avec sept groupes de femmes travaillant dans ce secteur, nous avons recueilli leurs points de vue sur leur travail, leurs revenus, leur sécurité et le travail des enfants.

Ce que nous avons entendu était clair.

Les femmes choisissent de travailler dans les mines de cobalt

Les femmes choisissent de travailler dans le secteur de l’exploitation minière artisanale du cobalt parce que les revenus y sont plus élevés que n’importe où ailleurs au sein de la communauté. Avec les revenus qu’elles tirent de l’exploitation minière, elles peuvent subvenir aux besoins de leur famille, de leur ménage et à l’éducation de leurs enfants.

L’une des femmes avec lesquelles nous avons parlé a un diplôme en droit. Elle travaille comme négociante en minéraux après avoir été incapable de trouver un emploi dans son domaine. Elle nous a dit qu’elle était heureuse là où elle était et qu’elle gagnait plus que ses anciens camarades de classe.

Ces résultats font écho aux études que nous avons déjà réalisées dans le secteur de l’or et des 3T. Les femmes qui travaillent dans une exploitation minière artisanale en tirent des avantages aussi bien économiques que sociaux. Les revenus contribuent à répondre aux besoins du ménage et rehaussent le statut des femmes au sein de la communauté.

De nombreuses femmes ont déclaré que, grâce à l’exploitation minière artisanale, elles ont gagné suffisamment pour pouvoir investir dans d’autres activités lucratives, par exemple, un salon de coiffure ou des services de restauration. D’autres nous ont dit qu’elles avaient pu acheter des terrains et construire des maisons, qu’elles louent désormais.

Comme nous l’avons constaté dans le cadre de notre projet AFECCOR, d’abord en RDC et plus récemment au Burkina Faso, lorsque les exploitantes et exploitants de mines sont en mesure d’investir dans des activités lucratives autres que l’exploitation minière, ils sont plus solides sur le plan économique et moins vulnérables en période d’insécurité.

Dans le secteur du cobalt, les femmes exécutent les mêmes tâches que sur les sites d’extraction d’autres minerais, c’est-à-dire qu’elles creusent, lavent, transportent et travaillent pour les coopératives minières, ou encore offrent des services de restauration et vendent des marchandises. Les femmes pratiquent également le commerce – elles achètent des sacs pleins de minerai et les vendent dans les dépôts – et parfois elles parrainent l’excavation de puits. Plusieurs femmes ont également mentionné vendre les sacs vides ayant servi à transporter le minerai. Elles achètent les sacs en vrac et les revendent individuellement pour faire un petit bénéfice.

Même si bon nombre des femmes avec lesquelles nous avons parlé disent avoir l’impression qu’elles ont les mêmes droits d’accès aux sites miniers que les hommes, il est arrivé qu’elles n’aient pas été autorisées à travailler dans certaines zones en raison de superstitions ou de stigmates. Dans un cas, elles ont dû faire appel à un intermédiaire après s’être vu refuser l’accès au site.

La pauvreté est le moteur du travail des enfants

Bien que l’exploitation minière artisanale soit une source de revenus plus élevés, la pauvreté reste omniprésente pour de nombreuses familles. Selon les estimations, 73 % des ménages de la RDC vivent avec moins de 1,90 $ US par jour. Une étude publiée en 2017 signalait que 90 % des familles vivant aux alentours de Kolwezi gagnaient moins de 1 $ par jour.

Si les femmes avec lesquelles nous avons parlé condamnent le travail des enfants sur les sites miniers, elles admettent qu’il est bien réel – et elles l’attribuent au fait que les familles doivent se soutenir mutuellement pour survivre. Beaucoup nous ont dit que les mères ne choisissent pas délibérément de mettre leurs enfants en danger. Si une femme pousse son enfant à travailler, c’est par désespoir.

Une femme nous a dit : « [Cette mère] est la seule à savoir pourquoi elle doit travailler avec son enfant. Personne n’a le droit de la juger. »

Les propos de ces femmes font écho aux conclusions de Bon Pasteur Kolwezi, qui aide les femmes à améliorer leurs moyens de subsistance et les enfants à réintégrer l’école. Leur étude a révélé que les revenus des enfants provenant de l’exploitation minière contribuent aux dépenses du ménage telles que la nourriture, les frais médicaux ou les droits de scolarité. Lorsqu’ils sont autorisés à conserver une partie de leur revenu, 31 % le consacrent à la nourriture.

Il est clair que la pauvreté explique en grande partie le travail des enfants dans les communautés minières artisanales de cobalt.

Éliminer le travail des enfants en améliorant les moyens de subsistance des femmes

Toute démarche visant à s’attaquer aux risques inhérents à la chaîne d’approvisionnement en cobalt de la RDC – y compris le travail des enfants – doit adopter une approche holistique et ascendante. Les solutions et les investissements doivent tenir compte de l’opinion des femmes et des besoins des communautés, et passer par une collaboration avec la société civile et les acteurs étatiques de la RDC.

Le travail des enfants a été pointé comme un problème majeur. Malheureusement, il ne suffit pas d’interdire aux enfants d’entrer sur un site minier, car cette mesure ne s’attaque pas aux causes profondes du problème. Ils trouveront soit une autre mine où travailler, soit un autre secteur, qui pourrait les mettre encore plus en danger.

Une recherche antérieure montre que non seulement les femmes sont les principaux pourvoyeurs de soins, mais qu’elles sont souvent la principale source de revenus – c’est le cas pour environ 58 % des ménages. Nous avons entendu des histoires similaires dans le secteur de l’exploitation artisanale du cobalt. Des femmes nous ont dit qu’elles ne pouvaient pas compter sur le revenu de leur mari ou qu’elles avaient besoin de gagner plus d’argent après que leur mari soit parti travailler ailleurs ou soit décédé.

Commençons par examiner comment nous pouvons améliorer les moyens de subsistance des ménages. Si les familles ont suffisamment d’argent pour payer le loyer, la nourriture, l’école et les autres besoins essentiels, les enfants n’auront pas besoin de travailler. 

Les priorités sont les suivantes :

  • renforcer l’autonomie économique des femmes sur le site de la mine et dans la communauté;
  • promouvoir la sûreté et la sécurité des femmes, y compris l’accès aux services pour celles qui ont survécu à la violence;
  • soutenir l’accès à l’épargne et au crédit pour accroître la sécurité économique et la solidarité communautaire;
  • faire en sorte que les femmes comprennent mieux leurs droits;
  • encourager le leadership des femmes et leur participation à la prise de décision.

Ces priorités doivent être mises en place tout en se penchant sur d’autres risques propres à la chaîne d’approvisionnement en cobalt artisanal de la RDC. On doit en effet améliorer la santé et la sécurité des exploitantes et exploitants miniers, garantir l’accès à des zones d’exploitation artisanale légales et viables, et renforcer la transparence afin de veiller à ce que les exploitantes et exploitants miniers artisanaux ne travaillent pas en servitude, ne soient pas victimes d’extorsion, ou soumis à la corruption. 

Ce n’est qu’en écoutant les exploitantes et exploitants miniers artisanaux de cobalt de la RDC – et en particulier les femmes – que nous parviendrons à progresser au point où les consommateurs pourront réellement compter sur une chaîne d’approvisionnement en cobalt responsable.

Photo par Sebastian Meyer/Getty: Un exploitant remplit un sac de cobalt dans un mine de Kasulo.


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