Les questions de genre et d’approvisionnement responsable sont de plus en plus étroitement liées. Elles doivent être prises en compte pour que l’extraction des richesses du sous-sol profite à tous les membres de communautés souvent dominées par des idéologies patriarcales. Bien que les femmes composent une grande partie de la main-d’œuvre des mines artisanales et qu’elles y accomplissent des tâches de première importance, elles peinent encore à obtenir la reconnaissance économique, sociale et politique qui leur revient dans les sites miniers et les communautés.

La République démocratique du Congo (RDC) est à l’origine de 70 % de la production mondiale de cobalt, un minerai considéré comme essentiel par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada, car il entre dans la fabrication des piles et batteries indispensables au virage écologique et à l’abandon des combustibles fossiles. De 10 % à 22 % de ces volumes sont extraits par des exploitantes et exploitants miniers artisanaux. On trouve du cobalt dans les batteries des véhicules électriques, les moteurs d’avion et les gadgets de haute technologie d’usage courant.

Le secteur de l’extraction du cobalt en RDC emploie de 150 000 à 200 000 exploitantes et exploitants miniers artisanaux. Les femmes forment jusqu’à 30 % de la main-d’œuvre dans le secteur de l’étain, du tungstène et du tantale, et 50 % dans celui de l’or. Il n’existe pas de chiffres fiables concernant le nombre d’exploitantes minières artisanales dans le secteur de l’extraction du cobalt. De nombreuses sources provenant de la société civile et des médias font cependant état de femmes menant diverses tâches dans les mines de cobalt de la RDC.

Les projecteurs ont été braqués jusqu’à présent sur le nombre d’enfants qui travaillent dans ces mines. Selon des données publiées par l’UNICEF en 2014, environ 40 000 enfants étaient alors employés dans les mines de cobalt de la région. La surveillance exercée sur le secteur s’est resserrée depuis la parution, en 2016, d’un rapport d’Amnistie internationale et d’Afrewatch, qui a révélé de nombreux cas de travail des enfants et les a associés à de grandes marques internationales. Mais comment lutter contre le travail des enfants dans le secteur de l’extraction du cobalt en RDC? Comment l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes peuvent-elles contribuer à résoudre ce problème? Le projet Sa Sécurité d’IMPACT adopte une approche transversale à l’égard des droits des femmes, du travail des enfants et de l’exploitation minière artisanale dans la province de Lualaba, dans le sud de la RDC. Il vise à approfondir des travaux qui, jusqu’à présent, se sont limités à des observations empiriques, en examinant les liens entre la sécurité des femmes et le recul du travail des enfants.

Une vision sexospécifique de la sécurité dans le secteur de l’exploitation artisanale du cobalt

Les travailleuses minières artisanales ont longtemps été privées de la prospérité associée au secteur. Le plus souvent motivée par la pauvreté, l’exploitation minière artisanale et à petite échelle offre des salaires plus élevés que d’autres activités de subsistance et peut même être décrite comme une démarche entrepreneuriale. Il s’agit d’un travail plus lucratif que les emplois en milieu agricole ou en petite entreprise. Toutefois, en raison de croyances culturelles profondément ancrées dans les mœurs, les femmes sont souvent privées de l’accès à ces ressources financières tout en continuant à s’occuper du foyer et des enfants.

Le projet Sa Sécurité tient compte de cette réalité et propose de mener une étude inédite afin d’aider les femmes à obtenir des revenus plus décents dans l’espoir de mettre un frein au travail des enfants. En se concentrant sur la sécurité des femmes – notamment leur sécurité économique, physique et énergétique –, IMPACT abordera les principales facettes de leur expérience dans les sites miniers et dans les communautés vivant de l’exploitation artisanale du cobalt.

La répartition inéquitable des revenus en fonction du sexe est reconnue depuis longtemps comme un obstacle à l’égalité des sexes dans le secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle. IMPACT a réalisé une étude sur les inégalités sexistes dans le secteur des minéraux de conflit en Afrique centrale. Les conclusions de cette étude ont été corroborées par d’autres, notamment dans l’industrie de l’exploitation aurifère artisanale en Afrique de l’Ouest. En Guinée par exemple, les femmes touchent le huitième des retombées de la production, et ce, en dépit de leur contribution essentielle au lavage, au tri et parfois même au transport des minéraux. Afin de remédier aux lacunes de la recherche dans le secteur du cobalt en RDC, le projet Sécurité des femmes vise à recueillir les données nécessaires à l’élaboration de stratégies, de politiques et de mesures par une multitude d’acteurs.

L’exclusion économique n’est pas la seule question en jeu. Garantir l’accès à l’énergie, en particulier à l’électricité, présente d’énormes avantages sur le plan de la sécurité et de la santé des femmes. Le charbon de bois a des effets dévastateurs sur la santé dans une région où il s’agit du combustible le plus largement utilisé pour la cuisson des aliments. En effet, des études ont établi un lien entre les syndromes respiratoires observés chez les femmes et l’utilisation du charbon dans plusieurs contextes africains. Du point de vue de l’environnement, l’abattage d’arbres dans un climat vulnérable et dans des secteurs touchés par l’exploitation minière limite la résistance de la région aux changements climatiques et avive les difficultés auxquelles se bute la communauté, en particulier les femmes.

Enfin, la sécurité physique est tributaire d’autres facteurs. L’accès à l’électricité, notamment à l’éclairage des voies publiques, permet d’instaurer un environnement plus sûr et de réduire les cas de harcèlement et de violence sexuelle. Les cuisinières électriques présentent des avantages indéniables pour la santé des femmes et leur évitent de devoir quitter les zones sécuritaires pour aller chercher du bois. Une meilleure situation financière améliore également leur accès à un logement plus sûr et aux produits de consommation courante, tout en les protégeant contre les éventuelles perturbations économiques.

Réduire le travail des enfants grâce à la sécurité des femmes

Le projet Sa Sécurité s’appuie sur une hypothèse préliminaire d’IMPACT, qui établit un lien entre la sécurité accrue des femmes (économique, physique, énergétique, etc.) et la diminution du travail des enfants. En donnant aux femmes les moyens de gagner leur vie, il est possible, croyons-nous, de réduire la dépendance envers les revenus d’appoint des enfants. En plus d’améliorer les conditions de vie des ménages, le rôle que joue la sécurité physique et énergétique dans une communauté est un facteur décisif pour décourager le travail des enfants dans les mines et les ramener à l’école.

En RDC, les enfants n’ont que 4,5 années de scolarité ajustées du facteur apprentissage (LAYS), un facteur calculé selon le temps moyen passé sur les bancs d’école et la qualité de l’enseignement reçu. Rehausser le taux de scolarisation s’avère un enjeu crucial pour améliorer les conditions de vie des générations futures.

Fruit de nombreuses années de travail sur l’exploitation minière artisanale et les inégalités entre les sexes, mais aussi d’une collaboration étroite avec notre partenaire sur le terrain, le centre du Bon-Pasteur à Kolwezi, ce projet ouvrira la voie à une nouvelle approche pour lutter contre le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement et pour soutenir l’autonomisation des femmes.

En savoir plus sur le projet Sa Sécurité.