L’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) de l’or revêt une importance majeure en Côte d’Ivoire, où elle représente un moyen de subsistance dans de nombreuses communautés. Le secteur a connu une croissance majeure au cours des dernières années : on pratique aujourd’hui l’extraction artisanale de l’or dans 24 des 31 régions du pays. Selon le gouvernement, la Côte d’Ivoire compterait environ 500 000 exploitantes et exploitants d’or artisanal, dont la plupart travaillent en dehors de tout cadre juridique. Cette situation pose non seulement un défi important aux autorités qui cherchent à réglementer le secteur, mais conduit également certains acteurs de la chaîne d’approvisionnement à négliger les pratiques de diligence raisonnable susceptibles de promouvoir des pratiques minières plus responsables.

Le rôle des négociants

Si le rôle des négociants au sein de l’écosystème de l’EMAPE en Côte d’Ivoire est primordial, ils sont confrontés à une situation complexe. La majeure partie de l’or artisanal extrait dans le pays est facilement exportée de façon illégale et transite notamment par des pays voisins comme le Burkina Faso et le Mali avant d’atteindre les marchés internationaux.

Voilà qui met en évidence un enjeu de taille : comme les circuits informels offrent souvent des prix d’achat plus avantageux, les négociants légaux locaux luttent pour survivre sur le marché de l’or en Côte d’Ivoire. Nombre de négociants finissent donc par se tourner vers les réseaux parallèles et illégaux.

Nous avons pourtant constaté qu’au sein des communautés minières, les négociants – officiels ou non – ne se contentent pas d’acheter de l’or. Ils fournissent un financement et le matériel indispensables à l’exploitation minière et assument les risques considérables associés au transport de marchandises de grande valeur. Les négociants ne sont pas de simples intermédiaires : ils sont essentiels à la survie et à la prospérité des communautés de l’EMAPE, auxquelles ils apportent souvent d’autres biens et services, dont de l’essence et des produits de première nécessité comme l’huile de cuisson et des vêtements.

Néanmoins, plusieurs sérieux obstacles empêchent les négociants de mener leurs activités dans le cadre de la loi. Les processus administratifs régissant le commerce légal sont lourds et imposent un cadre fiscal qui tend à rendre le commerce légal moins concurrentiel, voire non rentable. La corruption, présente à de multiples échelons de la chaîne d’approvisionnement – production, stockage, commercialisation, transport et exportation –, complique encore davantage la tâche des négociants qui souhaiteraient travailler de façon transparente et légale. Dans ces conditions, de nombreux négociants se tournent vers des sources de financement parallèles et se retrouvent associés à des pratiques de négoce moins officielles et responsables. Cette situation compromet non seulement la capacité des négociants à respecter les cadres juridiques, mais affecte également leur rôle de défenseurs de pratiques viables au sein de la communauté.

L’importance d’inclure les négociants dans l’approvisionnement responsable

La participation des négociants aux initiatives d’approvisionnement responsable est cruciale pour que des pratiques viables soient mises en œuvre avec succès dans le secteur de l’EMAPE de l’or en Côte d’Ivoire. L’or artisanal sert souvent d’instrument financier. Les leçons du projet Or Juste d’IMPACT en République démocratique du Congo, par exemple, indiquent que les négociants informels locaux offrent souvent des prix qui concurrencent les prix au comptant de la London Bullion Market Association (LBMA). Ces prix élevés pourraient s’expliquer par l’utilisation de balances ou de poids truqués, ou constituer une stratégie de pertes à court terme visant à gagner une plus grande part de marché.

Sans la participation de ces négociants, les initiatives formelles visant la chaîne d’approvisionnement risquent d’être fragilisées par l’influence omniprésente des réseaux de négoce parallèles, et l’efficacité des efforts de viabilité s’en trouvera compromise. L’intégration des négociants aux cadres d’approvisionnement responsable permettrait de combler le fossé entre les activités informelles et les demandes du marché officiel, et d’améliorer du même coup l’efficacité et l’intégrité globales de la chaîne d’approvisionnement.

L’expérience d’IMPACT avec le projet Or Juste en Côte d’Ivoire et en République démocratique du Congo révèle le besoin pressant d’intégrer les négociants aux efforts de formalisation des chaînes d’approvisionnement de l’or artisanal – ainsi que les obstacles potentiels à la réalisation de cet objectif. Le projet a démontré que le fait de travailler au sein des structures existantes de l’EMAPE et de solliciter la participation des personnes déjà impliquées dans ces systèmes s’avère sans doute plus viable que de chercher à établir de nouvelles relations au sein de la chaîne d’approvisionnement.

En reconnaissant ces défis et en nous intéressant à ce qui motive les négociants à pratiquer la diligence raisonnable, nous pourrons mettre en œuvre des initiatives mieux adaptées à leurs besoins et à leurs réalités. Le projet Passer à l’échelle supérieure en Côte d’Ivoire expérimente actuellement l’inclusion des négociants. À partir du travail réalisé dans le cadre d’Or Juste, le projet améliore la transparence au sein du marché et la légitimité des négociants, appuyant ainsi un développement communautaire plus efficace et créant des chaînes d’approvisionnement conformes aux normes nationales et internationales.

Conscients du rôle primordial des négociants dans la chaîne d’approvisionnement de l’or artisanal, IMPACT et Solidaridad les encouragent avec le projet Passer à l’échelle supérieure à définir leurs véritables motivations, en se demandant par exemple :

  • Souhaitent-ils approvisionner des chaînes officielles et légales?
  • Dans quelle mesure sont-ils prêts à aider les exploitantes et les exploitants à répondre aux attentes des acheteurs internationaux concernant la diligence raisonnable et la production responsable?

Pour favoriser la participation des négociants à l’approvisionnement responsable, il est essentiel de proposer des dispositifs incitatifs concrets en harmonie avec leurs réalités et leurs intérêts économiques. Il s’agit notamment de mettre en lumière chacune des étapes nécessaires à la mise en œuvre de la diligence raisonnable et de calculer les coûts et les bénéfices pour les négociants. Nous pourrons ensuite envisager des façons de motiver les négociants ainsi que les exploitantes et les exploitants qui collaborent avec eux à se conformer, par exemple, au Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence. Les leçons du projet seront communiquées en 2025.

Le projet Passer à l’échelle supérieure en Côte d’Ivoire est financé par le Partenariat européen pour des minéraux responsables (EPRM) et mis en œuvre par IMPACT.