Kyomuhendo Kereni se penche pour ramasser des cailloux dans le sable brun foncé, puis les dépose dans le bassin.
À soixante ans, Kyomuhendo ne possède pas exactement le profil de l’emploi. Mais elle compte parmi les quelque 3000 personnes qui ont afflué jusqu’à ce site d’exploitation aurifère du centre de l’Ouganda à la recherche de meilleures perspectives pour elles-mêmes et leur famille.
Les femmes jouent un rôle essentiel dans l’activité minière artisanale – du lavage et de la préparation à l’échange de biens et services. Néanmoins, jusqu’à récemment, ce rôle et les obstacles auxquels elles sont confrontées ne faisaient pas l’objet d’un examen détaillé.
En mars dernier, Abby Sebina-Zziwa, du Development Research and Social Policy Analysis Center (DRASPAC) de l’Ouganda, s’est rendue sur le site de la mine dans le centre du pays afin de rencontrer Kyomuhendo et d’autres membres de la communauté.
Le DRASPAC s’était associé à IMPACT et à l’Université Carleton afin de mieux connaître les moyens de subsistance des femmes sur deux sites miniers artisanaux en Ouganda. Abby et son équipe ont dévoilé les résultats de trois ans d’analyse issue d’enquêtes, de groupes de consultation et d’entrevues menées au sein de la communauté.
Sur le site de la mine aurifère artisanale où travaille Kyomuhendo, les femmes composent plus d’un tiers du personnel.
Elles travaillent dans ce secteur parce qu’il est plus rémunérateur que tout autre emploi qu’elles sont susceptibles de trouver en Ouganda. Elles peuvent gagner trois fois plus d’argent en se consacrant à l’activité minière que dans toute autre activité génératrice de revenus, qu’il s’agisse d’agriculture ou de la gestion d’une boutique ou d’un restaurant. Kyomuhendo elle-même a opté pour l’exploitation minière artisanale après s’être consacrée des années durant à l’agriculture.
Bien que ce secteur s’avère plus rémunérateur pour les femmes, il existe une disparité importante entre leur salaire et celui des hommes. Les femmes sur le site de la mine artisanale ne gagnent que la moitié de ce que perçoivent les hommes, et se voient souvent attribuer les rôles les moins lucratifs, comme les ouvrages souterrains et le lavage.
Abby et son équipe ont travaillé auprès de la communauté à l’élaboration de recommandations destinées aux responsables politiques afin que soient abordés ces problèmes et promue l’émancipation des femmes dans le secteur minier en Ouganda.
La réforme de la politique minière du pays étant imminente – et axée sur l’intégration des exploitantes minières artisanales et de leurs homologues masculins à l’économie officielle ainsi que sur l’égalité des genres –, le moment ne pourrait être mieux choisi.
Sur le site de la mine d’or artisanale, les femmes ont demandé que leur participation au secteur fasse l’objet d’un soutien accru. Plus de 65 % des femmes du site ayant pris part à l’étude contribuent de façon majeure aux revenus de leur foyer. À titre d’exemple, Kyomuhendo a été en mesure d’acquitter les frais de scolarité de ses petits-enfants. D’autres femmes consacrent leurs revenus au logement et aux frais scolaires ou achètent des terres destinées à l’agriculture et à la construction.
Après six ans sur le site de la mine aurifère, Kyomuhendo a été élue présidente du conseil local.
Sa position est unique, car la participation des autres femmes est souvent entravée par les rôles traditionnels et un manque de formation technique. Les travailleuses du site ont demandé davantage de formation et de développement des capacités, de sorte qu’à l’avenir, d’autres puissent profiter de telles possibilités de leadership.
Kyomuhendo espère à présent économiser assez d’argent pour se remettre à l’agriculture. Mais son expérience et celle d’autres minières artisanales ont ouvert la voie à toutes celles qui cherchent une vie meilleure grâce à l’activité minière.
Photos: Tommy Trenchard/CRDI
Les études menées en Ouganda s’inscrivaient dans le projet Femmes dans l’exploitation minière artisanale et à petite échelle en Afrique centrale et en Afrique de l’Est, portant sur les moyens de subsistance des femmes dans l’extraction minière artisanale de l’étain, du tantale, du tungstène et de l’or en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda. L’étude faisait partie du programme Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes, cofinancé par le Department for International Development (DfID) britannique, la fondation William and Flora Hewlett et le Centre de recherches pour le développement international du Canada. Une aide financière supplémentaire a été accordée par Affaires mondiales Canada.