Ces dernières années, dans le monde entier, le principe de « valeur ajoutée » gagne du terrain dans les chaînes d’approvisionnement en minerais, y compris dans la Région des Grands Lacs, en Afrique. Bien que le terme puisse être interprété différemment d’un groupe à l’autre, la valeur ajoutée désigne généralement les activités qui augmentent la valeur économique des minerais par le biais d traitement, de la fonte, du raffinage et de la fabrication.
Cette stratégie génère des profits plus élevés et favorise la croissance économique et la création d’emplois dans le secteur minier.
En novembre 2024, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), cofinancée par l’Union européenne, a organisé au Soudan du Sud un rassemblement crucial auquel ont participé des dirigeants, des décideurs politiques et des acteurs de l’industrie pour discuter de valeur ajoutée, de commerce durable des minerais et de coopération régionale. Le forum régional de la CIRGL sur la valeur ajoutée dans le secteur minier s’est penché sur la manière dont la région pourrait tirer parti de ses ressources naturelles en vue d’assurer sa sécurité économique.
Qu’est-ce que la valeur ajoutée et en quoi est-elle si importante?
Dans le secteur minier, la valeur ajoutée est de plus en plus considérée comme une voie vers le développement durable. Au lieu d’exporter des minerais bruts qui rapportent peu, les pays concernés explorent sur leurs territoires respectifs des méthodes d’affinage des minerais et de fabrication de produits minéraux.
Ce virage permet non seulement d’augmenter la valeur économique des exportations, mais également de stimuler les industries locales, de favoriser la création d’emplois, d’améliorer l’accès des femmes au financement et de perfectionner les capacités techniques dans le secteur minier.
Dans la région des Grands Lacs, les réserves minérales sont riches et le secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (EMAPE) est très actif. Le principe de valeur ajoutée représente donc une avenue intéressante pour tirer parti des ressources naturelles et favoriser un développement socioéconomique à plus grande échelle.
Des pays comme la République Démocratique du Congo, le Rwanda et l’Ouganda ont déjà pris des mesures dans ce sens, notamment en créant des fonderies, des affineries et d’autres installations de traitement des minerais. Ces entités sont situées à proximité des zones de production de minérais afin de capitaliser sur les possibilités de création d’emplois tout en augmentant les recettes fiscales provenant du secteur minier.
Cependant, pour mettre en place ces installations, il faut investir des sommes importantes, disposer d’une main-d’œuvre qualifiée et d’un cadre réglementaire adéquat, autant de conditions auxquelles ne répondent pas tous les pays.
Le rôle de la CIRGL en matière de promotion de la valeur ajoutée régionale
La CIRGL, par le biais de son Initiative régionale contre l’exploitation illégale des ressources naturelles (IRRN), contribue largement à l’élaboration des politiques de gouvernance des ressources minérales. Bien que l’IRRN ne traite pas expressément de valeur ajoutée, son objectif global de gouvernance minérale responsable correspond étroitement aux objectifs de valorisation et de traitement local des minerais.
Conscients de cet état de fait, plusieurs États membres de la CIRGL ont commencé à adopter des politiques et des lois favorisant les initiatives nationales de valorisation. Ces politiques visent non seulement à encourager la croissance de l’industrie locale, mais aussi à surmonter les difficultés liées au commerce illicite des minerais, car ce dernier compromet souvent la croissance économique et la sécurité régionale.
Lors du Forum régional de la CIRGL sur la valeur ajoutée dans le secteur minier et le commerce transfrontalier, qui s’est tenu à Juba, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) au Soudan du Sud, Timo Olkkonen, a exprimé son soutien à ces efforts : « Dans le cadre de notre programme régional sur la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs, nous avons uni nos forces à celles de la CIRGL et d’IMPACT, notre partenaire de mise en œuvre, pour réaliser des progrès tangibles vers l’amélioration de la gouvernance des ressources minérales dans la région des Grands Lacs. Je me réjouis donc que cet important forum régional se réunisse pour délibérer sur tous les aspects d’une proposition de lignes directrices sur la valorisation des ressources minérales ».
Nécessité d’une approche régionale et défis connexes
Bien que la valeur ajoutée offre des avantages économiques prometteurs, sa mise en œuvre à grande échelle pose des défis considérables. Les pays de la région des Grands Lacs se heurtent à des obstacles, en l’occurrence le manque d’infrastructures, les coûts d’exploitation élevés et la pénurie d’une main-d’œuvre qualifiée.
Pour être concurrentiel sur le marché mondial, il faut offrir des produits de qualité soutenue, disposer d’une logistique efficace et se conformer à la réglementation, autant de choses qui nécessitent des investissements importants. Dans ce contexte, une approche régionale de la valeur ajoutée devient un véritable atout. En mettant en commun leurs ressources et leur expertise, les États membres peuvent développer des industries intégrées qui sont concurrentielles à l’échelle internationale.
Grâce à une stratégie régionale, il serait possible de cibler les investissements et de réduire les redondances qui risquent de se produire lorsque plusieurs pays tentent, indépendamment les uns des autres, de mettre au point une même infrastructure. Ainsi, en coordonnant les efforts, la région pourrait établir des centres de traitement des minerais répondant aux besoins de plusieurs pays, ce qui améliorerait les économies d’échelle et encouragerait la collaboration entre pays. Le forum du Soudan du Sud a donc servi de plateforme aux dirigeants pour discuter de ces questions et formuler une approche cohérente et harmonisée de la valorisation des minerais dans la région des Grands Lacs.
Dévoilement de nouvelles lignes directrices régionales sur la valorisation des minerais et le commerce transfrontalier
La réunion du Soudan du Sud a essentiellement permis d’introduire de nouvelles lignes directrices régionales sur la valorisation des minerais, la valeur ajoutée et le commerce transfrontalier. Cofinancées par l’Union européenne dans le cadre du projet « Paix et sécurité dans la région des Grands Lacs », ces lignes directrices servent de feuille de route pour renforcer la coopération entre les États membres. Elles offrent à l’industrie de l’extraction, de la transformation et du commerce des minerais un cadre de réglementation qui met l’accent sur la collaboration transfrontalière et les pratiques normalisées.
Ces lignes directrices soulignent l’importance de la formalisation du secteur de l’EMAPE, qui reste une source majeure de subsistance dans la région. En encourageant la formalisation de l’EMAPE, les lignes directrices visent à promouvoir des pratiques minières responsables, à réduire l’exploitation illégale des ressources naturelles et à accroître la traçabilité des minerais. On veille ainsi à ce que ce secteur profite aux communautés locales et aux économies nationales. Les lignes directrices préconisent également l’adoption de pratiques environnementales durables et la mobilisation des communautés. Ce sont des aspects essentiels si l’on veut obtenir le soutien du public et minimiser les répercussions sociales et environnementales de l’exploitation minière.
Le major-général Martin Abucha, ministre des Mines du Soudan du Sud, a souligné l’importance de la valeur ajoutée : « Nous voulons vendre des produits, et non des matières premières, pour que les minerais profitent à nos communautés. Mais pour ce faire, nous devons gérer et contrôler l’exploitation illégale. Nous ne pourrons y parvenir qu’en aidant les États membres à organiser et à formaliser le secteur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle et à traiter les minerais en vue de leur valorisation et de la création d’emplois. »
La voie à suivre
À l’issue du forum, les ministres responsables des Mines des États membres de la CIRGL, ainsi que toutes les parties prenantes, se sont engagés à poursuivre une approche collaborative axée sur une gouvernance minérale responsable, sur le développement durable et sur la stabilité régionale. Avec l’adoption de ces nouvelles lignes directrices, la région des Grands Lacs est prête à devenir un chef de file en matière de valorisation des minerais. Elle offre en effet un modèle de la façon dont les régions riches en ressources peuvent tirer parti de leurs atouts naturels pour opérer une transformation économique.
Ces aspirations ne pourront se concrétiser qu’avec le soutien durable des gouvernements régionaux et des partenaires internationaux. Le projet « Paix et sécurité dans les Grands Lacs » de l’Union européenne en est l’ exemple. Pour créer une industrie de traitement des minerais prospère et concurrentielle dans la région, il faudra lancer des initiatives dans le domaine de la formation technique, du développement des infrastructures et de la réforme réglementaire.
Grâce à une collaboration continue, la région peut transformer ses richesses minérales en une source de prospérité, de paix et de stabilité à long terme.
Le projet Paix et sécurité dans la région des Grands Lacs est financé par l’Union européenne dans le cadre de sa stratégie renouvelée au sein de la région (2023). Elle a pour objectif de s’attaquer aux causes profondes de l’insécurité, comme la mauvaise gestion des ressources naturelles.
Regardez les moments forts du forum sur YouTube.
En savoir plus sur le projet Paix et sécurité dans la région des Grands Lacs.